La suppression de l’obligation de tentative préalable de résolution amiable des litiges dans les assignations
13/10/2022
Dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, l’article 750-1 du CPC disposait en son alinéa 1 :
« A peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire. »
Cet article prévoyait donc l’obligation d’un recours préalable à un mode amiable de règlement du litige pour toutes les affaires portant sur une somme inférieure à 5000€, à peine d’irrecevabilité de la demande, que le juge pouvait prononcer d’office.
L’alinéa 2 dudit article, prévoyait les exceptions et dispenses à cette obligation.
« Les parties sont dispensées de l’obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :
1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;
2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;
3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ;
4° Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation. »
Le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et l’ordre des avocats au barreau de Paris, ont formé un recours en annulation devant le Conseil d’Etat contre le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 ayant introduit l’article 750-1 du CPC, en ce qu’il méconnaîtrait plusieurs principes essentiels du droit et notamment la liberté contractuelle garantie par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ou encore le principe de clarté et d’intelligibilité de la norme.
Par Décision n°436939, 437002 du 22 septembre 2022, le conseil d’Etat a annulé l’article 750-1 du Code de procédure civile (CPC).
Il a dans un premier temps écarté tous les moyens tirés de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe de clarté et d’intelligibilité de la norme et seraient entachées d’erreur manifeste d’appréciation.
Il a ensuite déclaré infondé le moyen qui prévoyait que les dispositions litigieuses instauraient une différence de traitement entre les justiciables faisant le choix de recourir à un conciliateur de justice.
Il a enfin tranché que les requérants ne pouvaient utilement faire valoir que cette obligation méconnaîtrait la liberté contractuelle garantie par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Toutefois, la Haute juridiction administrative a considéré que les requérants étaient fondés à demander l’annulation de l’article 750-1 du CPC en ce qu’il ne précise pas suffisamment les modalités selon lesquelles l’indisponibilité du conciliateur doit être regardée comme établie (3° art.750-1 cpc).
Le Conseil d’Etat a décidé que les dispositions du décret ne définissent pas de manière suffisamment précise les modalités et délais selon lesquels l’indisponibilité du conciliateur pourra être regardée comme établie. Or, dans la mesure où la tentative de conciliation préalable est élevée au rang d’une condition de recevabilité de l’action en justice, l’indétermination de ces critères est de nature à caractériser une atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Il en résulte que l’intégralité de l’article 750-1 du CPC est annulé. Il n’est donc plus obligatoire à peine d’irrecevabilité, que les demandes en justice de moins de 5000€ soient précédées d’une tentative de règlement amiable du litige.
A fortiori, s’agissant de la rédaction des assignations, le 5)° de l’article 54 du CPC qui dispose qu’à peine de nullité, l’assignation mentionne : « Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative » se retrouve sans objet.
Il n’est donc plus obligatoire, d’indiquer dans les assignations les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative.